Ce titre était tout trouvé. Le lien entre une passion qui
m’est chère (chère aussi) : la photographie instantanée (Polaroid) et ce
billet où j’aborde très concrètement notre quotidien avec la STB (sclérose
tubéreuse de bourneville). Allez, zou !
Fanchon est donc pharmaco-résistante, c’est à dire
qu’aucun médicament n’a pu stabiliser son épilepsie et ceci depuis le début à
l’âge de 2 mois. Nous avons oscillé entre 30 et 0 crise par jour. 5 crises journalières serait une bonne
moyenne pour vous donner une idée de ce que l’on vit au quotidien. Alors petit
calcul vite fait : 8 années et demi x 365 x 5 = 15512 crises comitiales
(l’autre nom de crise d’épilepsie). Continuons : sachant que 40% de celles
ci la font chuter et qu’elle marche depuis ses 2 ans, alors : 6 années et
demi de station debout x 365 x 40% = 4745
chutes.
Bilan des lésions = 3 fractures de
métatarses, 1 genou recousu, les deux incisives définitives cassées, multiples contusions de la face, des membres
inférieurs et supérieurs, nombreux aller/retour aux urgences. Addition plutôt
légère oserai-je dire …
Une fois Fanchon à terre, la
crise se poursuit et il nous reste à gérer la phase clonique (convulsivante) de
la crise. Ce que l’on redoute le plus, c’est qu’elle vomisse dans ses poumons.
Nous la maintenons donc en position latérale de sécurité. Sa respiration est
bloquée, elle bleuit (cyanose), salive. Et on espère que ça passe. La tension
est énorme dans ces moments là et ceci en dépit d’une certaine habitude.
S’en suit une grosse fatigue pour
Fanchon qui sombre dans son sommeil post-crise (ou post critique) d’environ 30 et
45 minutes. Ça peut se produire partout à tout instant (magasin, la rue etc ...).
Nous avons dû en gérer dans des rayons frais en face des yaourts, dans des
parcs, dans le tram, en voiture, dans les toilettes de la maison, au restaurant
… bref, partout. On ne les voit jamais venir malgré la connaissance de certains
facteurs déclenchants comme la frustration, la peur et/ou la surprise, les
changements de température brutale.
Concernant le suivi. IRM tous les
1 à 2 ans pour suivre l’évolution de ses tumeurs cérébrales, avec toujours en
fond l’angoisse que celles-ci grossissent. A la question : « Mais combien de
tumeurs a-t-elle docteur ?» Aucun ne nous a répondu franchement. Pas eu le
temps de les compter toutes. Tumeurs dans les yeux : suivi ophtalmologie tous
les ans, en croisant les doigts pour qu’elles n’entrent pas dans son champs de
vision. Tumeurs dans les reins : il va falloir que l’on fasse un bilan de ce
côté, le dernier commence à dater. Enfin suivi neuropédiatre pour son
traitement de fond et son stimulateur du nerf vague qui nous a fait la mauvaise
blague de se dérégler. S’agit-il d’un mauvais paramétrage lors de la dernière
visite ou d’un boîtier défectueux ? Nous ne le savons pas encore, affaire à
suivre.
Evidemment l’épilepsie instable
de Fanchon à des conséquences directes sur sa faculté d’apprendre tant sur du
point de vue éducatif que social (apprentissage des règle de vie).
Sur le plan éducatif, Fanchon est
parasitée par quelques stéréotypies. Dont celle qui consiste à passer son temps
libre à frotter entre ses mains des jeux qu’elle affectionne tout
particulièrement pour la stimulation qu’ils lui procurent. Il est difficile de
lui faire cesser ce comportement pour lui apprendre des choses. Son temps de
concentration est minime. Elle ne peut rester en place que très peu de temps, 5
minutes c’est déjà beau. Et quand bien même elle reste assise, son envie de
frotter/frictionner les choses est permanente et reste son objectif prioritaire.
Il faudrait plus de temps de travail cadré en face à face avec Fanchon pour l’amener
à réaliser des choses plus constructives. Qu'elle laisse un peu de côté le
sensoriel. Mais se dégager du temps pour ça est très difficile. Il y a la
maison à gérer, les rendez vous à honorer, le petit frère dont il faut
s’occuper, la vie normale quoi …
Sur le plan « vie en
communauté »: je dirais en préambule que Fanchon, comme beaucoup d’enfants
handicapés dit de « bas niveau », fonctionne à l’instinct, au désir.
Elle sera capable de respecter une consigne pour l’oublier 10 secondes après si
une envie se fait trop pressante. Vous pouvez imaginer le retentissement dans
la vie de tous les jours : on se lève « x » fois alors qu’il
faut attendre assise, on met les mains dans son assiette « x » fois pour
manger plus vite alors que l’on doit attendre que la cuillère soit remplie, on
attrape les lunettes « x » fois alors qu’on lui dit de ne pas y toucher (son
grand hobbies du moment).
Fanchon ne parle pas. Son mode
d’expression sont de simple onomatopées au nombre de 2 ou 3. En fait chez elle,
la communication passe par le non verbal forcément. Ses cordes vocales c’est
tout son corps. Le regard, la gestuelle et
l’intensité associée, la force de voix utilisée dans ses babillements,
tout ça dans un contexte nous amène à la comprendre. Elle saisit quelques mots
clés : manger, assiette, verre, donne, tu veux ?, couche, toilettes,
bain, douche, debout, assise, vélo, ballade, voiture, pied, main …
Concernant nos ressources :
Nous avons l’IME. Fanchon a eu la
chance d’être intégrée à une classe adaptée pour elle. Quand je dis la « chance »,
c’est purement une forme de langage. Il a fallu un travail de sape monstrueux pour
qu’on l’obtienne. De commissions en commissions, en courriers, en appels
téléphoniques, en rendez-vous avec les structures etc … C’est quand même
incroyable que le manque de places d’accueil en France (de l’ordre de 5000 à 20 000
places) nous transforme en lobbyistes forcenés au pays du handicap. Comme si des parents d'enfants handicapés avait que ça à faire. Au final nous
sommes en confiance avec le duo d’éducatrices et l’équipe qui gravite autour.
On s’est un peu crispé avec la direction au début, mais les choses se sont
apaisées depuis.
Il y a le réseau « Pluriel ».
C’est une association qui accueille à parité des enfants handicapés et des
enfants sains. C’est une vrai bulle d’oxygène psychologique, chaque mercredi,
en demi-journée ou journée complète. Elle y est accueillie sans anxiété malgré
son histoire. Fanchon y est bien, l’environnement lui convient bien, grands
espaces colorés, peu bruyant. Apaisant.
L’association Arc-en-ciel basée
sur le Mans, pour quelques activités/sorties qui nous permettent d’échanger aussi
avec d’autres parents aux problématiques communes.
les copains ... mais ça vous le savez bien :-)
Les grands parents avec toutes les limites que cela comprend : disponibilité, appréhension à garder Fanchon dans les moments les plus instables … mais ils vieillissent, jusqu’à quand pourront ils garder Fanchon de temps à autre pour que l’on souffle un peu ?!
Ce qui m’amène à parler du
couple. Sujet jamais abordé ici mais pourtant essentiel. Je ne sais pas ce qui fait
qu’un couple éclate ou pas. Huit ans et demi que ça dure, huit ans et demi que
ça nous ronge comme l’acide. Il est à espérer que la couche soit épaisse.
Dans
nos débuts avec la maladie, nous nous disions nos « hauts » et nos « bas ». Par
chance ou instinct de survie, quand l’un était dans « son bas », l’autre tirait
vers l’optimisme et la relativisation. Cela aidait à passer les jours les plus
durs. C’est toujours le cas actuellement mais de manière plus tacite. La
maladie fait partie désormais de la famille. Mais au final, elle nous agresse
sur deux fronts. D'un côté le handicap mental sévère et le manque d’empathie de nos pairs, et de l'autre l’épilepsie pharmaco-résistante accompagnée de son corollaire de complications. La
double peine comme le dit si bien Géraldine. Parfois, on se dit qu’on
supporterait les doigts dans le nez le déficit mental de Fanchon, mais associée
à une épilepsie de tous les instants, la vie est plus rock.
En conclusion, je dirais qu'une première
phase se termine. Celle de la petite enfance ou le handicap est partiellement
dissimulé par la dépendance bien normale d’un enfant en bas âge. Cette période est encore protectrice pour les
parents que nous sommes. On pardonne encore à un jeune enfant sa gaucherie, son
non savoir. Il en sera tout autrement lorsque que Fanchon sera pré-ado, adolescente
puis adulte. Les regards se feront plus lourds, les signes de rejets plus
palpables. Ça commence déjà avec le grand public. Mais plus critique encore, puisque que nous
savons que chacun à ses limites, on peut d’ores et déjà se poser la question suivante : allons nous perdre des amis dans la bataille ? Ça me hante …
Nous entrons donc
dans une nouvelle ère où il ne sera plus question d’espérer. Il va falloir se
contenter. Trouver des objets de satisfactions, du bien être ensemble (nous
quatre). Redéfinir la notion de bonheur, parce que finalement l’on devra se
passer de la bonne santé de l’un de nos enfants.
Et comme dirait un ami québécois
« le bonheur, c’est une grosse chose toute
cassée, il faut savoir en ramasser les morceaux quand ils s’en présentent » (le dire avec l’accent québécois)
Bon bah, commençons à chercher alors ...
Liens utiles:
Pour mieux sentir les difficultés des parents avec des enfants au handicap mental sévère voir le très bon documentaire d'Eglantine Emeye (ancienne miss météo de Canal+) sur son quotidien avec son fils Samy. visible jusqu'au lundi 27.01.2014, ci dessous (le streaming met une bonne minute à se mettre en place, ne perdez pas patience)
Documentaire "mon fils un si long combat"
Film "Le défi Pérou"
Liens utiles:
Pour mieux sentir les difficultés des parents avec des enfants au handicap mental sévère voir le très bon documentaire d'Eglantine Emeye (ancienne miss météo de Canal+) sur son quotidien avec son fils Samy. visible jusqu'au lundi 27.01.2014, ci dessous (le streaming met une bonne minute à se mettre en place, ne perdez pas patience)
Documentaire "mon fils un si long combat"
Voyez aussi ci dessous la bande annonce de 6 minutes d'un film maintes fois primés narrant l'histoire d'un père menant son fils et 5 autres adultes trisomiques au Machu Picchu, rien que ça !
Film "Le défi Pérou"
13 commentaires:
Et ben comptez pas sur nous pour vous lâcher en route, elle peut bien frotter la barbe d'Hugo et mes colliers à grosses perles jusqu'à ses 40 ans, on sera toujours ravis de vous voir tous les 4,5,6.... Autant que vous serez!!
Des bisous les copains!
Et moi j'aime bien que fanchon me frotte les boutons...je peux pas m'empêcher de penser a elle quand je vois un joli gilet avec de gros boutons a frotter...nous non plus on vous laissera tomber mais ça vous le savez deja !
Quelle beau témoignage !
dur à la lecture, mais j'ai mieux compris après le visionnage de l'émission. ça m'a fait monter les larmes tout ça, car bien sûr, vous savez qu'on est tous avec vous et qu'on l'aime comme ça votre Chonchon. Comme le dit si bien Milleca, même à 40 balais, on pourra encore jouer au Handball avec elle en essayant de défendre notre assiette ou nos gateaux apéro de ses réflexes de Ninja!! Il est vrai que vous lui avez tout donné depuis le début, mais son bonheur à elle est sans doute plus simple que de tenir "à tout prix" sa place dans une cellule familiale dite "classique". Sachez que quoi qu'il arrive, nous ne vous jugerons pas... Nous n'en avons ni le droit, ni l'envie, ni les aptitudes et le recul nécessaire... le bonheur de Fanchon est certes le nerf de la guerre. Le votre et celui de vos prochains enfants (on se projette un peu que diable !!) n'en est pas moins important.
Bon courage et merci pour ce poignant témoignage Rodi... il fallait le faire !!
Merci les copains pour vos gentils commentaires. Je vous assure quand même que ça vous fera drôle au début lorsque Fanchon, du haut de ses 40 ans, vous arrachera vos sonotones et vos dentiers en babillant de plaisir !
oh que l'émotion est montée chez sa tata de cœur ... émotion nostalgique des temps manceaux passés, et hop un moment de tendresse me revient, une soirée d'été un câlin avec vos deux bouilles d'amour, à regarder les étoiles ... on remet ça bientôt !! les étoiles de Bourgogne sont les mêmes !!! on vous aime fort à très vite
Des fait que je connais trop bien...exceptée l'épilepsie (chez nous, le tégrétol suffit... chez d'autres amis, elle est également pharmaco-résistante, ce qui nous fait réaliser notre chance...)
Ici, à 10 ans, ça s'arrange un peu (enfin, tout est relatif !) : la parole est au rendez-vous, pas de grands discours comme avec les autres, mais au moins on peut communiquer (enfin, un peu : des phrases simples et basiques, mais c'est déjà bien), la compréhension du quotidien est là aussi, mais il y a toujours les "je te saute au cou pour te dire bonjour (comment ça tu es un inconnu ?), les réactions qui peuvent surprendre, les stéréotypies, les écholalies décalées dans le temps (ça peut surprendre le non-initié !), et pour nous bien évidemment l'angoisse de "quand nos parents seront trop vieux pour nous soulager" puis "quand on perdra nos parents" (est-ce qu'elle comprendra vraiment ?) et l'insurmontable "quand nous serons trop vieux".
Sinon, les amis sont toujours là, la famille aussi, et ceux qu'on a perdus en route ont été remplacés en "mieux" (il ne faut pas se leurrer, on en perd, mais pas beaucoup ! Finalement la grande majorité de nos amis sont des gens bien), l'IME est au top (malgré certaines périodes d'angoisse parce que "ça ne va pas avec elle").
Mais notre vie ne ressemble pas forcément à ce que nous imaginions il y a 11 ans...
Salut la famille,
On n'est aussi présent pour vous qu'on le voudrait, mais on pense souvent à vous. Bravo Rodolphe, d'abord pour la photo (magnifique ! le regard + le sourire !) puis pour ton texte... Besoin de décharger ? de partager ? d'alerter ? Peu importe, message reçu ici aussi. A très vite pour une bouffe chez nous, pourquoi pas ? (même si la dernière fois, vos enfants étaient repartis avec une fièvre de cheval ;)
Gros bisous à tous les 4, et, c'est l'occasion de vous le dire : vous pouvez compter sur nous aussi !
Merci Marion, on se retrouvera au cirque ;-)
Agnès: Merci pour votre commentaire. Il est intéressant d'avoir votre retour également. Cela nous donne une idée plus précise de votre quotidien. Quant à la parole, le jour ou Fanchon me dit un mot: je crois que j'aurai ma larme à l'oeil et ensuite je boirais une coupette de champagne et même si il est 7h15 du matin !!
Je crois qu'on pourrait avoir de longues conversations sur nos filles ! En discutant avec des parents d'enfants stb, je vois les nombreux points communs de nos "OGM" (j'adore votre expression !) ; malgré les différents niveaux d'atteinte, la "base" reste la même dès qu'il y a handicap. Nos maîtres mots à la maison : patience, optimisme, répétition (et oui !)
Bonsoir,
cela fait quelques temps que je n'avais pas pris de vos nouvelles. vos questions sont légitimes, il est difficile de savoir de quoi l'avenir sera fait. Si vous avez besoin d'un après midi je m'occuperais avec plaisir de Fanchon, je pense souvent à elle, à vous. Courage, Valérie Sohier
Merci Valérie, votre proposition est très touchante. On pourrait presque l'accepter rien que pour revoir votre duo se reformer ... Vous seriez une nounou de luxe :-)
j'avais raté ce billet, ma foi très factuel et très éclairant sur votre quotidien. Je vous fais des bises ainsi qu'à "frotting" fanchon :-)
Charles
ca serai avec plaisir,
à bientôt
Valérie
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